Publié le 20 décembre 2019

Employés de l’ESAT et postiers à l’assaut du pic de trafic colis

Du mardi au vendredi, des travailleurs de l’Établissement de Service d’Aide par le Travail (ESAT) de Troarn trient des paquets en arrivée à l’agence ColiPoste de Giberville. Rencontre avec Dominique Laisney, un de leurs deux moniteurs, en cette période de fin d’année où le trafic colis va crescendo.

Encadrant depuis 20 ans à l’établissement de service d’aide par le travail des ateliers de la Dives de Troarn, Dominique Lainey se rend chaque jour à la plateforme ColiPoste de Giberville dans le Calvados. Il retrace le lien historique qui unit la structure d’insertion professionnelle de personnes en situation de handicap à celui du site industriel : « Notre collaboration remonte à plus de 10 ans. Déjà, en 2007, l’agence colis nous avait confié l’entretien de ses espaces verts. Aujourd’hui, une dizaine de nos employés interviennent directement sur la chaîne de production chaque après-midi entre 14h30 et 17h pour trier des colis à destination de Caen et de sa périphérie. »

La contribution des travailleurs de l’ESAT représente 1/3 des objets traités sur la plateforme avec parfois des pics à 45%.

Jean Louvel

Directeur de l’agence ColiPoste de Giberville

Dominique le chef d’orchestre

« En juin 2017, j’ai proposé à l’établissement d’insertion de prendre en charge le traitement des paquets en provenance de la plateforme colis du Rheu, explique Jean Louvel, directeur de l’agence ColiPoste de Giberville. Dès le mois suivant, les moniteurs ont réalisé des tests de faisabilité sur un chantier fictif installé dans les locaux mêmes de l’ESAT. Très vite, Dominique et son collègue Alain Hervo ont identifié la nécessaire adaptation des outils existants et la création de nouveaux pour mener à bien le projet. »

L’indicateur de tri qui regroupe la totalité des voies de la ville de Caen a ainsi été repensé avec des codes chiffres et des codes couleurs. Dominique a conçu un classeur de rues et un plan du site vu du ciel pour que chaque employé puisse se situer et localiser précisément sa position de travail. Par ailleurs, l’année dernière à la même époque, les moniteurs ont imaginé une méthodologie sous la forme d’un carrousel de tri pour faciliter la manutention des objets et ainsi gagner en efficacité. « Je ne suis qu’un chef d’orchestre, considère Dominique, mon rôle est d’apporter à l’équipe les outils et les méthodes indispensables à sa réussite. »

Des professionnels virtuoses et consciencieux

Situé sur la commune de Troarn, l’ESAT accueille un peu plus de 100 travailleurs en situation de handicap pour la plupart atteints de troubles cognitifs tels que l’incapacité de lire ou de compter. Toutefois, certains parmi eux ont développé des facultés de mémorisation hors du commun. Les moniteurs intègrent leurs aptitudes et répartissent les rôles de chacun en conséquence. Aujourd’hui, Sophie, Christophe, Yann et Valentin officient sur la chaîne de tri avec virtuosité. Les trois garçons s’occupent de la répartition des colis pour Caen tandis que Sophie se charge de la proche banlieue. À propos de Christophe, premier sur la chaîne à disperser les colis, Dominique raconte : « Il connaît près de 400 rues de Caen par cœur ! Quant à Fabienne (une autre des employés de l’ESAT), au début du partenariat, elle emportait le classeur de tri chez elle après sa journée de travail pour l’apprendre. »

Réglé comme du papier à musique

Avec le temps et l’expérience, les équipes se sont mises au diapason, leur méthode s’est affinée. « Sur la chaîne de tri, nous sommes passés d’une équipe de 6 personnes à 3 aujourd’hui, poursuit Dominique. Ce qu’ils réalisent est remarquable, mon collègue et moi serions incapables de le faire aussi vite. » Il insiste également sur le soutien des postiers de la plateforme et sur leur bienveillance à l’égard des travailleurs de l’ESAT. La fierté toute contenue du quatuor du jour (et de leur encadrant) est palpable. Sophie s’improvise porte-parole : « Dès le début, Jean Louvel et son équipe de facteurs nous ont très bien accueillis, nous nous sommes parfaitement intégrés. C’est valorisant pour nous de travailler en dehors du site de l’ESAT et de savoir la qualité de notre travail reconnue. »

Un renfort à l’unisson qui tombe à pic

Surnommée « Peak Period » par les professionnels de la livraison, les fêtes de fin d’année sont marquées par l’augmentation massive du volume de colis. En ce jeudi 5 décembre, une équipe de 15 travailleurs de l’ESAT est venue renforcer les effectifs de la plateforme. Sous la baguette de Dominique, le groupe récite sa partition sans fausse note, avec à la clé des records qui tombent. Jean Louvel est bluffé par l’efficacité des équipes : « 13 500 colis ont été traités sur la seule journée d’hier, dont le tiers par les travailleurs de l’ESAT. C’est 5000 de plus que notre précèdent record qui datait de décembre 2018. »

Dominique, quant à lui, estime sa présence devenue accessoire tant son groupe est autonome. « La loi sur l’inclusion des personnes en situation de handicap nous impose uniquement de les déposer puis de les récupérer sur leur lieu de travail », précise-t-il. En effet, une des missions des ESAT consiste à favoriser l’autonomie des travailleurs, voire à accompagner ceux qui le souhaitent au retour à l’emploi en milieu conventionnel. Avec, pour le chef d’orchestre, la perspective de voir un jour un des membres de son équipe faire carrière en solo.